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Témoin gênant

 

Par Thomas Burnet

 

Yves aimait tendrement sa femme, Gaëlle. Ils étaient mariés depuis déjà sept ans.

 

Yves aimait éperdument Flora, sa fille qui venait d’avoir deux ans.

 

Yves aimait follement Loïs et son joli petit cul, qu’il retrouvait régulièrement chez elle, rue du Trombe à Grignon, ou là où leurs folies sexuelles les menaient. Sa relation extraconjugale avait commencé tout bêtement, comme d’autres avant lui. Gaëlle lui avait demandé passer au pressing prendre une de ses robes, il avait été servi en même temps qu’une belle rouquine avec qui le courant était bien passé, il s’était trompé en repartant avec la robe de l’inconnue qui lui avait couru après sur le trottoir. Il était déjà arrivé à sa voiture lorsqu’elle le rejoignit. Elle trébucha et tomba contre lui. Il ignore encore si c’est le contact de la voluptueuse poitrine, ou bien ces deux mains contre son torse ou tout simplement le contact d’une autre femme que son épouse qui fit qu’il l’embrassa sur le champ. Elle lui rendit son baiser et ils se précipitèrent dans l’appartement de Loïs pour faire l’amour avec passion.

 

Allongés sur le grand lit du deux pièces grignonais, ils échangèrent leur prénom. Loïs ne lui demanda pas de détails, elle avait bien vu l’alliance à son doigt, et lui ne voulut pas lui expliquer la situation ; il imaginait qu’elle avait déjà tout deviné : la passion du début qui se passe, la grossesse et le changement du corps de sa femme, les kilos de passage qui s’installent, une vie de famille trop dense pour laisser le couple se retrouver et l’abonnement au sexe quotidien qui devient mensuel, puis trimestriel…

 

Il déclara juste « Je dois y aller » avant de se lever et de se rhabiller. Elle le suivit mais resta nue. Alors qu’il s’approchait de la porte d’entrée, elle s’approcha et l’embrassa à nouveau avec passion. Elle sentait son excitation contre son ventre, il sentait la sienne dans sa façon qu’elle avait de se presser contre lui. Ils mirent un terme à ce baiser fougueux. Elle lui demanda son portable, il fouilla rapidement dans la poche de son manteau et lui tendit. Elle pianota rapidement, appela et raccrocha aussitôt. Elle lui rendit en glissant : « Si ça te va, moi, ça me va très bien ». Il acquiesça silencieusement. Elle ajouta : Je suis très prise le week-end, mais la semaine, c’est plus calme, n’hésite pas. Il lui mordilla le lobe de l’oreille et quitta l’appartement qui avait fait de lui un autre homme.

 

Une nouvelle routine s’installa. Apparemment, c’était une pâle copie de la précédente, mais sous le marbre s’étaient ajoutés des textos secrets, des coups de fil en cachette, des cinq à sexe torrides et une belle collection de mensonges. Son adultère trouva son salut dans un réseau social qui proposait de retrouver ses amis d’enfance. Quelques semaines avant de rencontrer Loïs, Cédric, un copain du collège avec qui il avait passé des nuits entières à vivre mille vies au cours de jeux de rôles aussi complexes que passionnants, l’avait contacté par email. Cédric, à l’inverse d’Yves, n’avait pas perdu contact avec Fabrice, et ils se voyaient encore régulièrement pour des nuits de jeu. Motivés par le retour d’Yves, ils réussirent à remettre la main sur Mathieu et le clan des quatre renaquit. D’un commun accord avec Loïs, il décida de les mettre dans la confidence ; ils lui fourniraient de parfaits alibis, d’autant plus que Gaëlle, n’appréciant vraiment pas les jeux de rôles, ne manifesta aucune envie de les rencontrer ; Yves ayant bien entendu exagéré quelque peu leur portrait, afin de s’assurer qu’elle ne change pas d’avis.

 

Pendant près de neuf mois, Yves vécut une relation adultérine claire et précise, bien distincte de sa vie de famille. Même si la famille Dugrain habitait à une dizaine de kilomètres de l’appartement de la belle trentenaire, ils avaient des habitudes de vie différentes, hormis bien entendu un pressing commun. Ca aurait pu faire penser à un ballet très bien composé. Il n’eut que deux fois où la chorégraphie dérapa et où Yves croisa sa maîtresse alors qu’il se promenait avec ses femmes. Passé l’instant de surprise qu’il maîtrisa sans trop de mal, il parvint à donner le change. Gaëlle ne semblait se douter de rien.

 

Alors qu’avec son épouse, ses relations sexuelles étaient assez basiques, avec Loïs, il ne cessait de jouer avec le feu : accessoires, lieux aussi variés que surtout publics, jeux de rôles… Ces nouvelles expériences l’excitaient terriblement. Et si le soir, il aimait sincèrement que Gaëlle vienne se blottir dans ses bras, avant de s’endormir, il ne pouvait s’empêcher de penser à la prochaine rencontre avec son amante secrète. Il avait le beurre, l’argent du beurre et le corps de Loïs à sa disposition. Il sentait que cet équilibre était précaire, mais tant que ça ne vacillait pas, il ne voyait aucune raison d’y changer quoi que ce soit. 

 

Et puis il y eu ce jour, il y eut un léger tremblement. Un jour où rien ne différa vraiment des autres jours, mais où la sensation d’invulnérabilité s’était peut-être trop installée, au détriment de celle de prudence ; un jour, avant d’aller au travail, il passa prendre Loïs en bas de son immeuble. Ils firent l’amour dans la voiture, sur une aire de stationnement au bord de la route, comme ils l’avaient déjà fait quelques fois. Une fois Loïs déposée à la gare, il reprit sa vie de bon père de famille et se rendit au bureau. Le soir, toujours en bon père de famille, il rentra chercher Flora chez la nourrice et reprit la route. Sa fille était étrangement calme à l’arrière. En ajustant son rétroviseur, il la vit jouer en silence avec un étrange doudou, avec quelque chose qui n’était pas censé être là. Le bon père de famille voyait sa fille s’amuser avec le foulard rouge de la maîtresse du mari infidèle ! Pris de panique, il décida de faire un crochet et d’aller le déposer chez Loïs. C’était une règle à laquelle il ne voulait pas déroger : pas de traces, jamais de traces ! Arrivé en bas de chez elle, il lui téléphona et lui expliqua rapidement. Flora s’était endormie, la chance était encore avec lui. Elle sortit de son immeuble deux minutes plus tard. Il ne descendit pas pour éviter que la portière ne réveille la petite dormeuse, et ouvrit la fenêtre. Il tendit le foulard à Loïs qui, après avoir jeté un rapide coup d’œil vers le siège auto, s’en servi pour attirer Yves vers elle. Ils s’échangèrent un long baiser. Puis Loïs s’approcha de son oreille et lui souffla : « puisque tu as pris tant de risques pour me le rapporter, la prochaine fois que tu me verras, je le porterai… » Elle se recula, passa son foulard du cou et repartit vers son immeuble. Yves ne parvint pas à décrocher son regard des fesses de la jeune femme. Au bout de quelques mètres, elle s’arrêta, se retourna et ajouta : « et je ne porterai que ça ! »

 

Alors qu’il sentait l’excitation poindre et se maudissait d’être déjà passé chez la nounou, il entendit une voix s’élever de l’arrière de la voiture.

 

« Papa ?! Papa bisouuuuuuuu ! Madame ? »

 

Il se sentit rougir et se maudit réellement d’être déjà passé chez la nounou, et d’avoir été assez stupide pour ne pas penser à une cachette suffisamment sûre où il aurait pu dissimuler ce maudit foulard.

 

Il prit une inspiration, se décrocha et se retourna.

 

« Mais non ma chérie, papa ne te fait des bisous qu’à toi ! » Il embrassa sa fille sur le front, se réinstalla et repartit en direction de la maison du bon père de famille.

 

Le soir, quand Gaëlle rentra enfin du travail, Flora était assise avec son père dans sa chambre, lisant une histoire avant d’aller se coucher. Une fois que sa femme eut embrassé leur fille, Yves s’approcha et l’embrassa tendrement. Flora se mit à rire et déclara en montrant ses parents : Papa bisou ! Le jeune père de famille infidèle se figea. Papa bisou ! Il espérait qu’elle s’arrête là. Papa bisou madame !

 

Yves ne se voyait pas, mais il se sentit une nouvelle fois rougir. Gaëlle regarda son mari puis sa fille avec étonnement et sourit. Elle s’agenouilla et lui dit : « Mais non chérie. Je ne suis pas une madame, je suis ta maman ! Papa a fait un bisou à Maman ! ».

 

La petite fille rigola et répéta : Papa bisouuuuuuuuuuuu MAMAN !

 

Alors sa femme prenait Flora dans ses bras, Yves regarda sa fille, ce petit être qu’il aimait tant. Plus que Gaëlle, plus que Loïs, plus que lui-même… La chaire de sa chaire, devenue en une seconde une bombe à retardement qui menaçait de faire exploser son couple. Pour ce soir, l’explosion était évitée.

 

Mais il avait la détestable impression qu’un compte à rebours venait de s’enclencher.

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