Les dix petits Nègres

 

 

(Sauf qu’ils ne sont pas dix, qu’ils ne sont pas

 

 petits et qu’ils ne sont pas noirs de peau…)

 

 

Par Thomas Burnet.

 

 

Dimanche 28 juin 2009, Grenoble, un petit appartement.

 

Les enquêteurs entrèrent vers 15h03 dans l’appartement de la victime, un homme de 46 ans.

- Alors, de quoi s’agit-il aujourd’hui ? Les gens n’ont rien d’autre à faire le dimanche que de tuer. Si au moins ils pouvaient respecter cela : nous laisser profiter de notre dimanche ! Mon fils avait un match de foot aujourd’hui. La finale du championnat de la circonscription. Tu imagines !

- Oui, je sais bien. Pour moi c’était la compétition de gymnastique de ma fille. Bon, autant que ça serve à quelque chose : pour aujourd’hui, c’est un homme, apparemment célibataire, de 46 ans, qui est mort le nez dans son bol de café au lait.

- Meurtre du matin, meurtre sans larcin ? A voir l’appartement, on peut exclure la piste du vol. Reste à avoir l’heure précise de la mort, mais il semblerait à l’odeur que ça ne date pas de plusieurs jours. Il faudrait donc interroger les voisins pour avoir plus de détails. Edgar, tu veux bien te charger de ça ?

- Pas de problème Alex.

- Jean, tu veux bien voir avec le concierge pour l’identité de notre victime dominicale. Plus vite on saura qui est cet homme, plus vite on pourra savoir comment il est mort. Moi, je vais observer la cuisine et savoir ce qui a fait affirmer au légiste qu’il s’agissait là d’un empoisonnement, avant même d’avoir touché le corps.

 

            Le commissaire Alexandre Brot se dirigea vers la cuisine et découvrit l’homme qui l’empêchait d’assister sous une petite bruine du mois de juin au match de foot de son fils. Un homme de taille moyenne, environ 1,70 m, les cheveux châtains. Il était vêtu d’un jean et d’un T-shirt et avait littéralement le nez dans son bol de café au lait, le liquide marron clair ayant éclaboussé toute la table de la cuisine. Ses mains pendaient le long de son corps et on pouvait voir dessus de nombreuses tâches violettes. Ces tâches se voyaient aussi sur les bras, les oreilles, les joues et dans le cou de la victime. Forte probabilité d’un empoisonnement à l’aconitine. Alexandre savait maintenant pourquoi il avait été dépêché un dimanche après-midi. Un mois plus tôt, ils avaient vu circuler sur un site de vidéos en ligne un film où une personne se suicidait à l’aconitine. Vidéo qu’il avait fallu interdire en raison du caractère choquant des images. Cela avait marqué et Alexandre eu un sentiment de compassion pour ce qu’avaient du être les derniers moments de souffrance de cet homme. Alexandre eut un frisson, puis regarda autour de lui pour connaître un peu mieux la victime. Il vit sur le réfrigérateur de la victime une invitation. Il s’approcha pour la lire et découvrit que la victime était conviée à une cousinade le samedi suivant à Cahors, dans le Lot. Restait à savoir ce qu’était une cousinade… Il avait aussi deux places pour aller voir le concert de Johnny Hallyday, le mercredi suivant, à Grenoble. Alexandre vit sur les billets qu’ils avaient été achetés en décembre 2007. Il se dit que le pauvre ne s’imaginait sûrement pas mourir quelques jours avant ce concert… Il revint dans l’entrée et croisa Léon, un jeune inspecteur, nouveau dans son équipe et débutant sur le terrain, qui lui apportait le courrier de la victime.

- Alex, voilà le courrier de la victime. J’ai mis de côté toutes les factures et le courrier administratif. D’après les publicités, ça fait un bon mois qu’il s’est absenté. Voilà le courrier qui semble plus personnel, je vous laisse le regarder.

- Merci Léon, bon travail. Tu peux éplucher le reste du courrier pour connaître un peu mieux sa situation.

- J’y vais.

            Alexandre aimait bien son équipe. Edgar, Jean et Léon… Trois bons gars. Il n’avait trouvé aucune raison pour qu’ils ne s’appellent pas par leurs prénoms, même si c’était hiérarchiquement incorrect ; ils travaillaient ensemble et sans eux, il ne pourrait résoudre aucune enquête. C’était une façon de les respecter et de respecter leur travail.

La première lettre qu’ouvrit Alexandre était un faire-part de naissance d’un ami de fac de la victime, qui s’appelait Thierry Gassepaz. La seconde lettre provoqua une réunion urgente du commissaire et de ses lieutenants. Dans une enveloppe tout simple, il avait trouvé le haut d’une feuille de papier, environ 5 cm. Le bout de feuille avait été découpé avec un ciseau cranté. Sur cette feuille, au feutre violet, il découvrit un petit texte :

 

 

« Les sept malins.

 

 

Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le premier malin voulut sentir une jolie fleur de si près

 

 

qu’il l’avala. Il ne restait plus que six malins. »

 

Les quatre hommes se regardèrent et c’est Léon qui prit la parole en premier :

- Aïe.

- Je ne vous le fais pas dire. Ca pue le tueur en série.

- Vous ne pensez pas que vous allez un peu vite Alex ?

- Oh que non ! Regarde : le premier malin, c’est Thierry Gassepaz. Il a avalé de l’aconitine. Il en est mort. Il nous reste six victimes potentielles. C’est inspiré des Dix petits Nègres d’Agatha Christie.

- J’avais aussi remarqué, ma fille l’a lu cette année avec sa prof de français, ajouta Jean. Mais le tueur parle d’un rendez-vous en fin de semaine… Quel rendez-vous ? Et puis la fin de semaine, c’est aujourd’hui ! On va se retrouver avec six autres morts aujourd’hui ?

- Pas nécessairement. Sur le réfrigérateur, j’ai vu deux choses : deux billets pour le concert de mercredi de Johnny, et une invitation pour une cousinade samedi prochain. Mais je ne sais pas ce que c’est qu’une cousinade ; ça doit sûrement être…

- Samedi prochain vous avez dit ? Dans le Lot, à Cahors ?  

- Oui, pourquoi demandez-vous cela Edgar ?

- Parce que je pense que cet homme était mon cousin !

- Votre cousin ?

- Oui. Une cousinade rassemble l’ensemble des descendants d’un couple. Pour notre famille, il s’agit de Thérèse Bustel et de Gustave Figet, deux de mes ancêtres qui ont vécu au dix-neuvième siècle dans le Lot, aux environs de Cahors. J’avais pris ma journée de samedi prochain pour y aller. Je savais que je n’étais pas le seul cousin dans la région, mais je ne pouvais pas imaginer que quelqu’un s’en prendrait à ma famille.

- Edgar, je dois vous demander si vous voulez prendre quelques jours. C’est quelqu’un de votre famille et même si vous ne le connaissiez pas, cela vous affecte plus qu’à l’accoutumée.

- Ca devrait aller Alex. Je dois continuer. D’autant plus que je pourrais vous donner des renseignements sur ma famille ou entrer plus facilement en communication avec les organisateurs de la cousinade.

- Bon, Jean et Léon, continuez à interroger les voisins, à fouiller l’appartement. Avec Edgar, on va essayer de trouver qui aurait pu faire ça.

Les deux inspecteurs s’éloignèrent pour continuer l’enquête. Alex et Edgar s’installèrent dans le canapé du salon. Alex sortit un cahier et l’ouvrit à une page vierge.

- Allez Edgar, on essaye de mettre le plus d’infos sur le papier concernant votre famille, votre cousin et cette fameuse cousinade.

- Pour le cousin, c’est facile, je ne le connais pas. Pour la famille, c’est à peu près semblable. En fait, cette cousinade sera la troisième. Je n’ai jamais pris le temps de me rendre aux deux premières. Mais là, toute ma famille proche s’y rend, Mamée Josette (la mère de ma mère) y va pour la seconde fois, elle va avoir quatre-vingt-sept ans et ça fait assez longtemps que je ne l’ai pas vue ; je ne sais pas si j’aurais encore beaucoup d’autres occasions de la voir,… Et puis surtout cette année on célèbre les deux cents ans de l’union de mes ancêtres. Je trouvai ça sympa de m’y rendre, de voir tous ces gens issus de l’union de deux personnes.

- Parti comme c’est parti, on ira tous voir ces gens issus de l’union de ces deux personnes. Donc, Thierry Gassepaz, vous ne le connaissiez pas du tout ?

- Non. Absolument pas. Ca fait deux cents ans que Thérèse et Gustave se sont mariés. La famille est répandue un peu partout en France et dans le monde aussi.

- Vous avez un moyen de savoir où ?

- Je crois oui… Si j’arrive à remettre la main dessus. Lors de la dernière cousinade, il y a cinq ans…

- Cinq ans ?

- Oui, c’est le rythme que la famille a adopté. Une fois tous les cinq ans. Je disais … ? Oui. Donc, il y a cinq ans, ma mère m’a envoyé le petit fascicule réalisé par un cousin féru de généalogie. Il avait fait une carte de France répertoriant tous les cousins. Je peux vous dire donc, si je le retrouve, les endroits où j’avais des cousins il y a cinq ans.

- C’est déjà ça. Allez-y tout de suite Edgar, on se retrouve ce soir pour un débriefing au commissariat, vers vingt heures.

 

            L’enquête au domicile de M. Gassepaz informa les enquêteurs que l’homme était animateur commercial dans une grande surface de la banlieue grenobloise. Le légiste établit la mort de l’homme le matin même. Il était apparemment revenu d’un voyage d’un mois aux Etats-Unis, qu’il avait fait seul. La question qu’ils n’arrivaient pas à résoudre, hormis le pourquoi, c’est comment cet homme avait été empoisonné. Les analyses lancées après l’autopsie prenaient au moins un jour et il leur fallait donc attendre. Léon avait émis l’hypothèse que l’homme était parti en informant ses proches de son départ, qu’un de ses proches, qui avait peut-être ses clés était venu disposer le poison dans un produit de la vie courante de l’homme et que lorsque celui-ci est revenu, il s’est empoisonné. Thierry Gassepaz vivait seul, mais il était le frère cadet de deux sœurs. Ses parents et ses sœurs furent prévenus. Edgar ne les connaissait pas non plus ; mais les parents d’Edgar avaient passé une fois des vacances avec ceux de Thierry dans leur jeunesse. Le fascicule de la famille Figet - Bustel apprit aux enquêteurs que la victime avait des parents dans de nombreux départements de France. Quelques endroits étaient plus peuplés, comme le Lot, La Savoie, l’Ile-de-France, l’Ille et Vilaine, et l’Alsace. Il avait aussi de la famille à l’étranger, notamment en Suisse, en Grande-Bretagne, au Mexique, au Japon et en Hongrie. Jean proposa d’envoyer un message aux services de police des départements français concernés et aux ambassades françaises sur le terrain. Alex approuva pour les départements, mais trouva prématuré d’avertir les ambassades. Il pensait qu’il fallait attendre au cas, peu probable au regard de la situation, où leurs hypothèses seraient fausses. Vers 21h30, ils rentrèrent chez eux prendre un peu de repos. Le lendemain, ils auraient sûrement beaucoup de travail.

 

Lundi 29 juin 2009, Chaville, un arrêt de bus.

 

            Le SAMU, les pompiers et la police furent prévenu à 8h05 qu’un problème venait d’avoir lieu à un des arrêts de bus du 171, qui relie Versailles à Sèvres, dans l’ouest de Paris. Une femme d’une vingtaine d’année venait de tomber à terre prise de convulsions. Les passants, paniqués, avaient appelé en vrac ces différents services d’aide aux personnes en danger. Les trois corporations arrivèrent donc avec quelques minutes d’intervalle. Mais c’est déjà trop tard. La jeune femme avait succombé, apparemment d’une asphyxie. Elle était vêtue d’un jean accompagné d’un débardeur jaune. Elle avait aux pieds des converses, et portait encore son sac à dos beige qui contenait un bloc-notes, un cahier, une trousse, et plein de bazar dans la petite poche du devant. Elle tenait aussi, dans sa main, une boite de tic tac vide. Le légiste dépêché sur place emmena assez vite le corps, réalisa une autopsie qu’il conclut temporairement par l’établissement de la mort par asphyxie. Il nota qu’il fallait déterminer la raison de l’asphyxie par des analyses toxicologiques qui prenaient plus de temps.

            A Grenoble, les enquêteurs s’étaient remis au travail. Edgar, sa mère et Alex travaillaient aux suspects et aux mobiles, Léon et Jean travaillaient sur la façon dont le tueur avait procédé. La mère d’Edgar avait contacté une de ses cousines qui avait été à la dernière cousinade en 2004, et qui lui en avait fait le récit.

D’après elle, cette journée avait été une réussite. Une véritable et belle réussite. Une partie des cousins issus de l’union de Thérèse Bustel et de Léon Figet s’étaient réunis. Un ensemble de panneaux affichés à l’entrée de la salle communale annonçait, entre autres, que Thérèse et Léon avaient vécus au début du 19ème siècle, dans le département du Lot, près de Cahors. Il y

avait
 eu le discours inaugural, présentant longuement la centaine de cousins qui avaient pu se libérer pour l’occasion ; il y avait eu la traditionnelle photo, où il est si difficile que tout le monde regarde au même moment le photographe, les yeux ouverts, en souriant si possible ; il y eut ce repas où les gens se retrouvaient mélangés à des cousins éloignés qui n’avaient en commun avec eux qu’un ou deux gènes rescapés du mélange génétique. Il y eut aussi ce jeu de piste en plein Cahors, basé sur les lieux de la vie des deux ancêtres. Il y eut enfin cette remise de cadeaux aux plus âgés des cousins, ceux qui avaient plus de 80 ans, et qui étaient ainsi honorés, car, on ne pouvait pas parier sur le fait qu’ils soient à nouveau là, dans cinq ans, pour la prochaine cousinade. Une belle cousinade, dans les règles de l’art. Au cours de cette journée, Thierry Gassepaz avait mis à profit ses talents d’animateur commercial pour présenter les cadeaux offerts aux cousins ayant passé le cap des quatre-vingts ans. Il avait réussi à maintenir l’ambiance pour cette partie du programme un peu longue, mais qui mettait à l’honneur les plus âgés.

Lorsque la mère d’Edgar avait interrogé sa cousine sur les incidents de la journée, celle-ci en trouva deux qui l’avait marquée : elle se souvint de André, un oncle éloigné, qui avait fait un scandale car il n’avait pas été inclut dans la liste de ceux qui méritaient d’avoir un cadeau, pour la simple raison qu’il n’avait que soixante-dix-neuf ans. Il avait quitté la salle de réception en colère et en parlant de « petits malins qui ne perdaient rien pour attendre ». Lorsqu’il entendit cette phrase, Alex fit répéter deux fois la mère d’Edgar pour être sûr d’avoir bien entendu. Ca paraissait presque un peu trop simple. Il lui demanda de continuer pour entendre le deuxième incident. Il s’agissait de deux jumelles d’une vingtaine d’années qui avaient, elles aussi, quitté la salle en faisant un esclandre. Tout ça parce qu’elles avaient été dans l’équipe qui avait perdu au jeu de piste dans Cahors, et estimaient que l’équipe concurrente avait largement triché.

Alex se prit la tête dans les mains. Trois suspects potentiels : un grand oncle de quatre-vingt-quatre ans, et deux jumelles mauvaises perdantes. Il savait bien que l’espèce humaine avait besoin de peu de raisons pour se comporter de façon totalement incongrue, mais là, ça paraissait tout de même maigre. Il remercia la mère d’Edgar, et téléphona au médecin légiste pour connaître l’avancée des analyses toxicologiques. Les nouvelles de ce côté-là étaient bonnes : M. Gassepaz était bien mort d’un empoisonnement à l’aconitine. L’examen gastrique leur avait appris qu’il n’avait mangé que du pain et but du café. Il fallait donc chercher tout d’abord dans le café, le lait et le sucre présent dans sa cuisine pour savoir précisément où était le poison avant de savoir comment il était arrivé là. Edgar lui apporterait les éléments nécessaires pour les analyses. Il raccrocha, prévint Edgar de ce qu’il devait faire, puis prit son manteau pour aller parler aux sœurs de M. Gassepaz. Au moment où il allait sortir de son bureau, son téléphone sonna.

- Commissaire Brot, j’écoute ?

- Bonjour commissaire. Ici le commissaire Noicas, du commissariat de Chaville dans les Hauts-de-Seine.

- Bonjour commissaire. Que me vaut cet appel ?

- Nous avons reçu un mémo émis par votre commissariat à propos d’un meurtre par empoisonnement perpétré dans votre circonscription.

- Oui. Vous avez eu un cas similaire ?

- Ce matin même, à un arrêt de bus.

- Qu’est-ce qui vous fait penser que nos deux affaires sont liées ?

- Hier, d’après les éléments fournis par votre mémo, il ne vous restait que six petits malins. Et bien aujourd’hui, il n’en reste plus que cinq.

- Vous avez eu un petit bout de feuille vous aussi ? Est-il découpé…

- Avec des ciseaux crantés, oui. En haut et en bas.

- Le message est écrit avec un feutre violet.

- Non, le notre est écrit avec un feutre bleu foncé.

- Il faudrait absolument procéder à une étude graphologique et à une comparaison des crantages du découpage. Mais il semble que ce soit le même tueur… Comment peut-il perpétrer un meurtre le dimanche à Grenoble et un autre le lundi à Chienville ?

- Chaville.

- Excusez-moi, je n’avais pas retenu… Pouvez-vous nous faire parvenir cette pièce à conviction ?

- A dire vrai, j’espérais plutôt que vous pourriez nous faire parvenir la votre…

Soudain, Alex sut qu’à cette affaire déjà très compliquée, allait s’ajouter des problèmes administratifs et humains qui ne pouvaient que ralentir l’enquête.

- Je pense vraiment que c’est à Grenoble, là où tout a commencé, nous devons concentrer les moyens de cette enquête…

- Ecoutez, commissaire Brot, apparemment nous sommes aussi bornés l’un que l’autre, et nous n’avons pas le temps de faire remonter tout ça à la hiérarchie pour savoir qui a raison. Pour l’analyse graphologique et pour vérifier la concordance des crantages, nous n’avons pas de besoin de l’avoir en main propre. Scannez-le, je vais faire de même et nous nous l’envoyons. Ainsi, nous aurons deux analyses et nous aurons plus de chances de ne pas nous tromper.

Alex fut soulagé par la proposition de son collègue qui semblait être aussi à cheval que lui sur les règles hiérarchiques. Une fois le scan reçu, il fut transmis aux analystes graphologiques qui allaient prendre en charge la comparaison des deux messages. Alex pensait qu’il allait bien falloir un moment ou un autre décider qui prendrait la charge de ce dossier, car, dans une enquête, il était toujours plus simple de n’avoir qu’une personne pour prendre les décisions importantes et donner la direction des recherches. 

Il rappela le commissaire Noicas pour avoir plus de détail sur l’affaire des Hauts de Seine et mutualiser leurs renseignements.

Il commença par écouter le récit du commissaire francilien : une jeune femme, Aline Gamber, âgée de 23 ans, était morte d’asphyxie ce matin, en attendant son bus. Elle était étudiante en licence d’histoire de l’art et partait à la bibliothèque François Mitterrand pour continuer à étudier l’histoire des œuvres d’arts, malgré la fin de ses partiels. On avait retrouvé dans la petite poche de son sac à dos une quantité impressionnante de bazar en tout genre : des papiers, des flyers, des prospectus, des CD promotionnels, une boite de pastilles pour la gorge, des mouchoirs, des programmes de festivals de l’été, et une enveloppe. Glissée entre deux papiers usés par le temps passé dans cette poche, elle passait inaperçue. En lieu et place de l’adresse, les enquêteurs avaient trouvé le nom de la jeune femme. En l’ouvrant, ils avaient découvert le texte suivant : 

 

« Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le second malin n’avait pas écouté sa maman et

 

mangea des bonbons après s’être brossé les dents. Il ne restait plus que cinq

 

malins. »

 

La boite de Tic Tac trouvée dans la main droite de la victime était en effet vide. L’examen gastrique était en cours, en même temps que l’analyse toxicologique, mais les soupçons des enquêteurs s’orientaient vers la présence d’une capsule de cyanure à l’intérieur des bonbons. Certaines personnes les gobant de façon automatique, portant la petite boite rectangulaire directement à leur bouche ; il était probable que la jeune femme n’ait pas remarqué de différence. Cela indiquait tout de même que le tueur connaissait suffisamment les habitudes des victimes pour réussir à les assassiner à leur insu.

Alex passa ensuite au récit de ce qu’il avait vécu la veille et le matin même et éclaira le commissaire Noicas concernant le rendez-vous des « sept malins » de la fin de semaine. Le commissaire demanda à l’un des inspecteurs d’appeler les officiers qui enquêtaient chez mademoiselle Gamber et de se renseigner quant à sa participation à une cousinade dans le Lot le samedi qui devait suivre.

Le commissaire Noicas tenta de résumer la situation : « Nous avons donc deux victimes, qui vivent à des centaines de kilomètres de distance. Rien ne semble les relier, si ce n’est ce message qui déroule l’histoire de sept malins, un peu à la façon des Dix petits Nègres d’Agatha Christie. Et nous connaissons tous les deux la fin de cette histoire… Il semblerait que ces deux personnes devaient se retrouver samedi prochain dans le Lot pour assister à une cousinade, même si cette information reste à vérifier pour la seconde victime. Il est fortement probable que d’ici à samedi, nous découvrions encore cinq victimes. Il est impossible de prévoir où, mais il est presque sûr que ce sera quelqu’un qui doit participer à cette cousinade. Si j’ai bien compris, nous avons environ cinq cents personnes à prévenir et à surveiller ! Le tueur, ou les tueurs – rien n’est à exclure – est très bien organisé. Les trois suspects que vous avez pu cerner constituent un point de départ, mais il nous faut d’autres pistes, sans quoi nous ne pourrons pas avancer. Le temps joue contre nous, il faut centraliser. Vous allez me trouver un peu orgueilleux, ou prétentieux, mais je pense que notre commissariat doit mener l’enquête : nous sommes près de Paris, nous avons accès à plus de matériel que vous, et cela n’empêche pas une étroite collaboration où vous aurez votre mot à dire ; c’est juste « administratif ». Qu’en pensez-vous ? »

            Alex accepta de guerre lasse. Il fallait se concentrer sur l’enquête et pas sur des débats internes entre Paris et la province. Même si cela serait ressenti ainsi par toute l’équipe, Alex savait que c’était la solution la plus sage. Il accepta et ils rédigèrent un second mémo à tous les services de police qui avaient dans leur giron un membre de la famille Figet – Bustel. Les deux informations importantes à vérifier pour toute personne retrouvée morte : un bout de papier découpé avec une histoire concernant sept malins, et la participation à une cousinade dans le Lot.

            La journée était déjà bien avancée lorsque le commissaire grenoblois raccrocha. Il sentait un peu dépassé par l’ampleur du phénomène. La discussion avec le commissaire Noicas avait eu un réel avantage : il lui fallait maintenant laisser de côté l’entrevue avec les sœurs de la première victime et contacter de toute urgence l’organisateur de la cousinade. Deux morts, c’était trop. Il fallait faire quelque chose, mais est-ce que l’annulation de la cousinade pouvait endiguer le massacre ?

            La personne à contacter pour confirmer sa présence était Marcel Figet, un des descendants qui portait encore le nom de famille de son aïeul. L’homme habitait Cahors. Il composa le numéro de téléphone qui se trouvait sur l’invitation récupérée chez M. Gassepaz et entendit deux tonalités avant qu’un vieil homme ne décroche :

- Allo, oui ?

- Bonjour Monsieur, Commissaire Brot, du commissariat de Grenoble. Etes-vous M. Marcel Figet ?

- Oui, c’est bien moi. Vous m’appelez pour me parler de Thierry ?

- Oui, monsieur, je vous présente toutes mes condoléances.

- Merci monsieur le commissaire.

- Je ne vous dérange pas ?

- Oh, non monsieur le commissaire. C’est un bien triste malheur que l’on m’a annoncé là. Lui qui se faisait une joie de venir à notre cousinade de samedi prochain. Un homme si simple, si gentil. Et quel humour ! Il avait mis une très bonne ambiance à la dernière cousinade, il y a cinq ans. Vous l’auriez vu !

- Vous avez été prévenu par ?

- Chantal, sa mère. Elle m’a appelé pour me faire part de cet événement si triste. Elle m’a demandé comment nous allions nous adapter à ce triste événement.

- Et puis-je vous demander comment vous compter faire ?

- Bien sûr. Nous commencerons la journée par trois minutes de silence en l’hommage d’un des nôtres, qui nous a malheureusement quitté trop tôt. Mais vous savez, quand Dieu vous rappelle à lui, il est difficile de refuser.

- Avec tout le respect que je dois monsieur, je ne pense pas que Dieu y soit pour quelque chose dans tout cela. M. Gassepaz a été assassiné.

- Comment !

- Mme Gassepaz ne vous l’a pas dit ?

- Non, elle m’a juste appris la mort de notre cousin. Oh ! Mon Dieu ! Assassiné dites-vous ? Mais alors, quelqu’un a planifié et exécuté son meurtre ?

- Je ne peux pas trop vous en dire, l’enquête est en cours, mais c’est possible.

- Oh mon Dieu ! Mais qui a bien pu faire une telle horreur ? Et pourquoi Thierry ? Il était si gentil !

- Monsieur, si je puis me permettre, vous ne savez pas qui pourrait lui en vouloir ?

- Thierry ? Que quelqu’un lui en veuille ? Personne, voyons ! Il y aurait bien Jacques, mais de là à tuer pour cela…

- Jacques vous dites ?

- Oui, Jacques Perlinois, un autre de nos cousins. Il avait présenté la remise de cadeaux lors de la première cousinade, il y a dix ans. Mais il n’avait pas vraiment mis l’ambiance. J’avais donc proposé à Thierry pour notre dernière réunion d’assumer la présentation des cousins à qui nous offrions un cadeau. Mais vraiment, de là à organiser son assassinat !

- Je préfère ne négliger aucune piste. Autre chose concernant M. Gassepaz ?

- Non, je ne crois pas. Alala ! C’est Aline qui va être triste. Elle aimait tellement l’humour de son cousin.

- Aline ? Vous parlez d’Aline Gamber ?

- Oui, comment la connaissez-vous ?

- Euh… comment vous dire… Mademoiselle Gamber est décédée ce matin. La piste de l’assassinat n’est pas exclue.

- QUOI ?!

- …

- Aline ? Morte ? Une jeune fille si gentille. M. Figet se mit à pleurer.

- M. Figet ? Voulez-vous que nous en reparlions plus tard ?

- Je crois que oui. Oh mon Dieu ! Aline… Mais. Deux personnes ? Deux cousins ? Mais qui fait ça monsieur le commissaire ? Qui fait ça ?

- Je n’ai aucune réponse à vous donner monsieur Figet, et croyez bien que j’en suis fortement désolé. Avant de vous laisser Monsieur Figet, je vous en prie, reconsidérez la question : ne pensez-vous pas qu’il faudrait annuler la réunion de samedi ?

- Annuler ! Ca jamais de la vie ! Notre famille va fêter les deux cents ans de l’union de nos aïeux. Pensez-vous que je serai là à vous parler si notre famille s’était arrêtée de vivre pendant les heures sombres de l’histoire de France ? Que pensez-vous que faisaient mes parents pendant la seconde guerre mondiale ? Vous pensez qu’ils donnaient les résistants pour pouvoir vivre plus librement ? Non, ils ont souffert. Ils ont perdu des membres de leur famille mais l’honneur était sauf. Non, monsieur le commissaire. Ces mauvaises personnes peuvent essayer de nous toucher, mais ils n’y arriveront pas. Notre famille est bien trop forte pour cela. Nous n’annulerons pas, même s’il ne reste plus qu’un seul membre de la tribu Figet – Bustel !

- D’accord, excusez-moi M. Figet. Je vous rappelle plus tard.

- Au revoir monsieur le commissaire.

            Alex avait préféré couper court. Il était apparemment tombé sur un acharné du lien familial. Il se demandait s’il ne fallait pas faire une déclaration à la presse pour essayer de toucher le maximum de personnes de la famille et éviter peut-être un massacre, si seulement annuler cette maudite réunion suffisait…

 

Mardi 30 juin 2009, Niort, cage d’escalier d’un immeuble, 2ème

 étage.

 

            Ce fut au tour des inspecteurs et du commissaire de Niort de se retrouver face à un meurtre. Celui-ci était moins subtil. Un septuagénaire qui avait été égorgé devant la porte de son appartement, ce matin très tôt. M. Cannel avait l’habitude, selon les voisons d'en face, de se lever vers quatre heures tous les matins pour aller faire sa marche matinale. Le médecin légiste dépêché sur place confirma l’heure de la mort. Le meurtrier avait le champ libre étant donné que les deux appartements du rez-de-chaussée étaient des cabinets médicaux, que les deux appartements du premier étage venaient d’être rachetés et étaient en travaux, les étudiants de l’appartement d’en face venaient de finir leurs examens et donc se réveillaient en ce moment vers onze heures, midi ; enfin, les locataires de l’unique appartement du troisième étage étaient partis deux jours plus tôt en vacances. Le sang recouvrait le sol du pallier et avait dégouliné dans les escaliers. C’est une patiente d’un des médecins qui s’était inquiétée d’avoir reçu une goutte de sang sur le front. Une certaine Josette Jolivert, une dame assez âgée, qui se sentit mal lorsqu’on lui annonça ce qui se trouvait deux étages plus haut.

            Punaisé à la porte de l’appartement, les enquêteurs avaient trouvé un bout de papier, découpé aux ciseaux crantés en haut et en bas. Sur ce papier, dans une jolie écriture anglaise, au feutre bleu clair, ils purent lire ce petit texte :

 

« Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le troisième malin voulut se gratter le cou avec un

 

couteau et dérapa. Il ne restait plus que quatre malins. »

 

- Ca, c’est le moindre qu’on puisse dire : il a sacrément bien dérapé, plaisanta l’inspecteur Brion.

- Ce n’est pas le moment, lui rétorqua le commissaire Plantou. Vous avez eu le mémo faxé hier soir : nous avons affaire au même tueur que pour les meurtres de Grenoble et de VilleChat.

- Euh… Chaville monsieur.

- Ah… euh… oui. Bref. Vous allez me fouiller cet appartement et me trouver une trace d’une invitation pour une cousinade samedi prochain qui aurait lieu dans le Lot.

- Tout de suite monsieur.

           

            Le commissaire Noicas qui appela le commissaire Brot en début d’après-midi :

- On a du nouveau.

- Vous avez avancé sur la piste du tueur ?

- Malheureusement non. On finit par se dire qu’étant donné la personnalité de mademoiselle Gamber, il y a peu de chances pour qu’elle ait vu son meurtrier hier. Vous auriez vu son appartement... Tout était minutieusement rangé par jour, et avec des réserves pour au moins un mois. Le meurtrier a pu mettre en place son plan depuis longtemps. Elle avait une boite de Tic Tac par jour. D’après sa mère, c’était sa gourmandise du matin : après son petit déjeuner, sur le chemin de la fac, elle s’avalait une boite entière de ces petits bonbons. Et la poche où on a retrouvé le mot était un tel bazar qu’il aurait pu être là depuis au moins un an, j’en suis certain ! Nous avons affaire à quelqu’un de très malin, mais aussi, et surtout, de très actif !

- Encore un ?!

- Oui, encore un.

- Où ça ?

- A Niort. Un homme de soixante-treize ans, égorgé devant la porte de son appartement.

- Ce tueur est non seulement futé, mais il est aussi très mobile. D’autant plus que l’équipe de Niort va se rajouter à nos deux équipes au niveau des investigations. Le tueur doit savoir ça, il a prévu que nous allions perdre du temps en discussions inutiles et en partage d’informations.

- Il faudrait que nous ayons un représentant de chaque équipe au même endroit. Nous n’avons aucune raison de garder le poste décisionnaire à Chaville, pas plus qu’à Grenoble ou à Niort.

- Etant donné que la cousinade doit avoir lieue près de Cahors, il faudrait que nous puissions nous établir là-bas.

- C’est une bonne idée, je vais voir avec le commissaire Plantou de Niort. Il faut faire très vite.

- Au fait, j’ai eu l’organisateur de la cousinade au téléphone hier soir. Il est très touché par ces disparitions. D’après lui, les deux premières victimes se connaissaient. Mais le plus grave, c’est qu’il prend comme une agression le fait de vouloir annuler la réunion.

- C’est à double tranchant : si c’est ce que veut l’assassin, ça m’embête de le lui donner et de risquer de le voir disparaître dans la nature; mais il reste quatre victimes potentielles. Plus nous réfléchissons, plus elles sont en danger.

- Les médias ?

- J’y ai pensé, mais c’est le meilleur moyen de créer un mouvement de panique. Il faudrait plutôt les contacter individuellement.

- Je ne pense pas que l’organisateur nous aide ; il va avoir peur que cela n’influe sur l’événement qu’il a préparé.

- Nous avons pris contact avec la mère de notre victime, elle nous a donné le même fascicule que celui qu’avait votre inspecteur. D’ailleurs, elle nous a appris qu’à la dernière cousinade, sa fille avait eu un petit rôle au cours de la journée : elle était chargée de remettre des cadeaux à certaines personnes âgées. Elle avait fait ça avec son cousin Grégoire Gribec, qui habite en Ardèche, et qui est âgé aujourd’hui de seize ans.

- Vous pensez que...

- Oui, je le pense fortement. Avant de vous appeler, j’ai prévenu le commissaire Galedron à Privas. Il va faire le maximum pour localiser le jeune et l’amener dans un hôpital sous bonne escorte.

- Mon dieu ! Mais que cherche ce tueur ?

- Ca, je ne le sais pas. Je suis dans le flou total. On a un grenoblois de quarante-six ans, une chavilloise de vingt-trois ans, un niortais de soixante-treize ans, probablement un ardéchois de seize ans…

- Mais si la piste de l’ardéchois se confirme, cela tournerait autour de ces cadeaux faits aux personnes âgées lors de la dernière cousinade. Etant donné que la première victime présentait les différents cadeaux offerts. Il faudrait savoir pour le niortais…

- Pour la prévention que fait-on ? Pour l’instant, les nouvelles sont locales, mais il ne va falloir plus d’un autre jour pour que la presse fasse le lien entre les affaires. Il vaut mieux qu’on les devance sur le coup, pour éviter une panique.

- Le plan d’action doit donc être le suivant : prévenir les personnes concernées par l’intermédiaire des services de police locaux, je vous propose de prendre le sud de la Loire, je vous laisse le nord et l’étranger. Mettez le maximum d’hommes sur le coup, il faut que l’information circule le plus rapidement possible, il faut que les gens soient sur leurs gardes et ne viennent pas à cette cousinade. Ensuite, il nous faut contacter à nouveau Niort pour avoir la précision quant au rôle de monsieur Cannel lors de la précédente cousinade. Enfin, nous devons rappeler l’organisateur, lui dire pour la troisième victime et voir comment il réagit à ce troisième décès. Peut-être qu’il entendra raison.

- Je croyais qu’on avait dit que je prenais les décisions... Alex sentit une pointe d’humour dans cette remarque de son collègue.

- Allez-y, prenez la décision. Ca vous va ?

- Oui, très bien. A tout à l’heure.

- A tout à l’heure.

 

            A la fin de la journée, ils avaient plus d’informations, mais rien sur l’identité du mystérieux tueur.

Les inspecteurs du groupe d’enquête d’Alexandre avaient travaillé sur les relations de M. Gassepaz. C’était un homme banal, qui voyait ses parents régulièrement, ainsi que ses sœurs. Le concierge avait vu aussi des grands-mères ainsi que des femmes, mais il ne se souvenait plus très bien des visages. Comme cela faisait un mois que Thierry était partit en vacances – seul, il insista sur le point qu’à sa connaissance, en ce moment, M. Gassepaz était célibataire -  il confondait les noms et les visages. Pour les clés de l’appartement, il savait que la victime en avait quatre : un chez lui, un autre chez sa mère, un chez son concierge et enfin, le dernier, sous son paillasson. Son concierge avait eu beau lui répéter, il n’avait jamais voulu entendre raison et il n’en avait fait qu’à sa tête. Ca pouvait donc être n'importe qui...

Pour l’analyse du poison, ils étaient dans une impasse : il n’y avait de trace de poison, ni dans le café, ni dans le sucre. Le lait fut analysé et blanchi de tout soupçon. Ils ne savaient pas comment le poison avait été ingéré par la victime.

M. Figet fut encore abattu par la nouvelle d’une autre victime, mais refusait toujours d’avertir les membres de sa famille du danger, de peur de voir les gens ne pas venir à la cousinade et ruiner les efforts qu’il avait fait durant les cinq années passées, mais surtout de manquer la seule occasion de fêter le bicentenaire du mariage de ses aïeux.

Le jeune ardéchois, en classe de seconde, avait déjà fini l’école et était parti en avance pour préparer un camp scout d’où il était parti le matin même, seul, en éclairage. Il devait trouver le terrain idéal pour organiser un camping sauvage pour le séjour du mois de juillet. Des battues avaient été mises en place, mais il y avait peu d’espoir de le retrouver rapidement dans la nature ardéchoise.

Alex rentra chez lui en coup de vent et expliqua à sa femme que, le lendemain, il devait partir aux aurores pour Cahors d’où il devait mener l’enquête qui le monopolisait depuis trois jours.

Comme d’habitude, elle ne posa pas de question et ne fit aucune remarque : quand on épouse un homme de la « grande maison », c’est pour le meilleur et pour le pire, enfin… quand il est à la maison.

 

Mercredi 1er juillet 2009, Saint-Agrève, quelque part dans la montagne.

 

            Vers onze heures du matin, les policiers ardéchois retrouvèrent le corps sans vie du jeune Grégoire, au pied de sa tente. Le corps fut aussitôt étudié, mais, en l’absence de traces visibles, il fut emmené à la morgue pour une expertise plus poussée. Les enquêteurs pensaient à un poison, car le tueur en avait déjà utilisé deux fois. En effet, pour Mademoiselle Gamber, les analyses avaient confirmé la présence de cyanure. L'hypothèse de la capsule de cyanure mélangée aux bonbons se révélait la bonne. Les enquêteurs se demandaient pour cette troisième victime comment le poison avait été administré à la victime, et surtout quel poison avait été utilisé. Il n'y avait pas de signes physiques, mais le légiste avait observé que le corps était disposé étrangement, comme si le jeune homme s'était débattu au sol.

Dans la poche avant de l'étui de la guitare du jeune homme, les enquêteurs trouvèrent un bout de papier, plié, découpés aux ciseaux crantés comme les trois premiers, avec la suite de la petite histoire, écrite au feutre vert :

 

« Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le quatrième malin se mit à jouer de la guitare et il

 

oublia que la musique ne mange pas... Il ne restait plus que trois malins. »

 

            La fin laissait les enquêteurs dubitatifs : « la musique ne se mange pas »... Ils pensaient que le tueur aurait pu voler les provisions du jeune qui n'aurait eu à manger que sa musique, mais ceci n'avait pas de sens et le jeune homme n'était parti que depuis le matin. Cette énigme restant insoluble, la guitare partit aussi en analyse.

            Le commissaire Galedron ayant organisé les recherches et étant déjà en contact avec le commissaire Noicas fut choisi pour représenter les équipes ardéchoises à Cahors. Il rejoint ses collègues en fin de journée. Les premiers arrivés, les commissaires Noicas et Brot avaient fait une déclaration commune à la presse depuis la préfecture du Lot. Ils avaient présenté les trois victimes, et n'avaient pas caché que d'autres victimes pouvaient être découvertes dans les jours à venir. Ils n'avaient pas établit le lien avec la cousinade, mais avaient parlé d’une piste sur laquelle ils étaient pour trouver le lien entre les personnes assassinées. Les descendants de Gustave Figet et de Thérèse Bustel étaient prévenus au fur et à mesure du potentiel danger qu'ils courraient, et face à cette annonce, les réactions étaient diverses : soit les gens paniquaient et demandaient une mise sous protection immédiate, soit ils imitaient l'organisateur de la cousinade et défiaient l'assassin de venir s'en prendre à eux.

            Il avait été dit que M. Cannel avait lui aussi participé à l’élaboration des cadeaux offerts aux personnes âgées lors de la dernière cousinade. Il avait écrit tous les poèmes qui avaient été dit par Thierry Gassepaz au moment de la remise des cadeaux par Aline et Grégoire. Ca devenait trop évident pour n'être qu'une simple coïncidence. Les personnes les plus suspectes furent interpellées, puis amenées en garde à vue au commissariat de Cahors. Et quels suspects ! Les deux premiers avaient été cités par les premiers témoins de l'enquête : un vieil homme de quatre-vingt-quatre ans qui avait fait des histoires lors de la dernière cousinade parce qu'il était trop jeune pour avoir un cadeau et Jacques Perlinois, un quinquagénaire au chômage, qui en avait voulu à M. Figet de lui avoir préféré Thierry Gassepaz à la présentation de la remise des cadeaux. Pour le vieil homme, tout ça était « bien mérité pour ces imbéciles qui n'avaient pas de respect pour les anciens combattants ». Pour M. Perlinois, cela était « bien triste, mais enfin bon... comme ça, comme je ressors d'ici quarante-huit heures au maximum, je pourrais peut-être présenter à nouveau la remise des cadeaux ».

La recherche d'autres suspects avait été compliquée car les vieilles rancunes de famille étaient ressorties. L'une accusait la cousine qui s'était moquée d'elle étant plus jeune, les jeunes accusaient les anciens qui les avaient élevés avec rigueur, les anciens accusaient les plus jeunes qui « ne respectent plus rien » ; et il fallait beaucoup de patience et de neutralité aux enquêteurs pour faire la part des choses et trouver les suspects qui l'étaient vraiment. Aux deux suspects en garde à vue, s'ajoutèrent trois autres, mais qui laissaient les enquêteurs dubitatifs. Il y avait une jeune femme de vingt-six ans dans les Landes qui avait dit à Aline Gamber « si tu dis ça, j'te tue », avant que cette dernière ne raconte à toute la tablée qu'elles occupaient cinq ans auparavant les choses honteuses qu'elle avait faites ou dites au cours de son enfance ; une femme de quarante-quatre ans à Paris qui avait été accusée plus jeune d'avoir tué son cousin, mais qui avait été innocentée par un non-lieu pour vice de procédure ; enfin, il y avait une vieille dame de quatre-vingt cinq ans dans le Jura qui avait pesté pendant toute la dernière cousinade notamment au moment des cadeaux, parce qu'elle avait été amenée par ses neveux et nièces, selon elle de force, à cette réunion « stupide» où elle ne voyait qu'une chose, c'est qu'elle devenait de plus en plus vieille et avait le sentiment d'être poussée vers la tombe par les nouvelles générations.

Chaque personne avait des raisons de tuer, mais est-ce pour autant qu'ils l'avaient fait ?

            Il restait dans la petite comptine trois « malins » qui devaient se retrouver à la fin de la semaine. Les équipes de police travaillèrent donc sur les personnes qui avaient aidé à la préparation des cadeaux : le problème était qu'il en restait cinq : Mesdemoiselles Emma Figet,  la fille de M. Figet, et Coralie Estangre qui avaient emballé les cadeaux ; Monsieur Georges Philippe, qui avait participé à l’achat des cadeaux avec madame Corinne Gallois et enfin, le superviseur de toute cette organisation, M. Marcel Figet.

Cinq personnes, mais trois victimes potentielles. Lesquels allaient être frappées, et surtout comment ? Les commissaires réunis à Cahors décidèrent d’un commun accord qu’il fallait trouver un profil commun aux victimes.

            Il y eut plusieurs hypothèses, les critères évoqués étant l’âge, le sexe, la répartition géographique, la situation socioprofessionnelle,… Bien entendu, les personnes identifiées comme faisant partie des victimes très probables étaient étroitement surveillées, consignées à leur domicile avec une présence policière importante, mais discrète pour essayer d’appréhender le tueur. Le commissaire Plantou, représentant des Deux-Sèvres, se mit en tête que le tueur essayait de réaliser un dessin sur la carte de France, et il mobilisa des membres de son équipe pour qu’ils trouvent les hypothétiques symboles que l’on pouvait trouver en reliant les différentes villes où quelqu’un avait été tué. Il trouva des explications sataniques et celtiques qui démontraient bien que le tueur avait eu raison d’étaler ses meurtres sur l’ensemble de la France ; il y avait peut-être plus de moyens, mais il y avait aussi plus de personnalités, d’orgueil, d’ambition et de perte de temps. Le mercredi s’acheva sur un ensemble de théories, des protections mises en place, des suspects en garde à vue, des procès verbaux à n’en plus finir, et avec un total de quatre victimes, mais aucune certitude quant au fait qu’il n’y en ait pas une autre de plus le lendemain. 

 

Jeudi 2 juillet 2009, Charleville-Mézières, un appartement au 3ème étage.

 

            - Chef, je ne comprends pas…

- Je comprends surtout que vous êtes un imbécile !

- Mais… chef…

- Comment avez-vous pu laisser passer le tueur ?

- Mais je ne sais pas.

- Expliquez-moi le déroulement de votre service, je mets le haut parleur, les commissaires de quatre autres départements vous écoutent.

- Euh… Ben… Euh… Chef… Euh… Messieurs les commissaires…

Un brouhaha de voix interrompit le propos du jeune officier de police qui se reprit.

- Alors, j’ai pris mon service hier soir à vingt heures. Il faut savoir qu’il y a cinq appartements par étage, et qu’il y a cinq étages. Il y a donc plus de vingt-cinq personnes qui vivent dans cet immeuble, dont Mademoiselle Figet. J’ai suivi la procédure à la lettre, j’avais le listing des noms des habitants de cet immeuble, je me suis posté juste devant l’ascenseur au rez-de-chaussée, pour ne pas être vu depuis le sas d’entrée. Les gens entraient sans me voir. J’ai pu vérifier l’identité de tout le monde, sauf de deux personnes.

- Vous aviez des consignes : ne laisser monter personne sans avoir eu la confirmation de son identité, ni celle que la personne habitait bien cet immeuble !

- Décrivez-nous les suspects.

- Deux profils très différents : Johann Lequeur, un garçon de quatorze ans, qui habite au quatrième, vers vingt heures trente. Je l’ai laissé monté car il était couvert de boue. Il portait encore son équipement de foot ; il revenait du dernier entraînement de la saison qui s’était déroulé sous la pluie. Il n’avait pas pris d’autres affaires et m’a certifié qu’il habitait l’immeuble. Je ne pouvais tout de même pas le retenir…

- Ben non, c’est pas comme si vous portiez un uniforme de la police !

- Désolé chef. Le second suspect ?

- Une vieille dame. Madame Germaine Grovert, quatre-vingt-sept ans. Elle vit au cinquième étage et est passée vers vingt-et-une heures. Elle venait de rendre visite à son fils qui fait les courses pour elle. Elle traînait un caddie très lourd, et avait énormément de choses dans son sac à main. Je lui ai demandé sa carte d’identité, et en cherchant dans son sac, elle a fait tomber son caddie. Il y en avait partout devant l’ascenseur : des pommes de terre, des poireaux, des cerises, des oranges, des …

- Oui, des fruits et des légumes.

- Alors, je l’ai aidé à ramasser, car elle a de gros problèmes de dos ; et je l’ai laissé y aller.

- Vous auriez pu aussi venir ranger ses courses dans son frigo…

- Non, je devais garder l’entrée…

- Bien sûr que vous deviez garder l’entrée imbécile. Bon…Pour égorger quelqu’un, je ne pense pas qu’une vieille dame de quatre-vingt-sept ans ou qu’un garçon de quatorze ans ne soient assez forts. Maintenant, faites l’inventaire des occupants de l’immeuble et EXIGEZ leurs papiers d’identité. J’arrive dans dix minutes. Messieurs, je pense que vous savez le principal : Emma Figet est morte malgré nos efforts pour la protéger. Cause de la mort : très probablement une asphyxie due à des piqûres de guêpes dans la gorge. Je vous tiens au courant dès que j’ai du nouveau et je pense arriver demain à Cahors, le temps de prendre la mesure de la situation et de donner les principales consignes.

 

            Cette fois-ci, ce fut M. Figet qui contacta Alexandre Brot.

- J’annule tout. J’ai été si stupide ! Mon Dieu ! J’annule tout. Dites-le à la presse, faites-le savoir à la Terre entière, mais je veux que cela s’arrête. Ma toute petite fille est morte !

Les sanglots dans la voix de ce père émurent Alexandre qui imaginait très bien la douleur que pouvait représenter la perte d’un de ses enfants ; c’est pour ne jamais vivre ça personnellement qu’il faisait ce métier.

- Je comprends parfaitement. Je vous remercie pour la décision que vous avez prise. Sachez que tout sera mis en œuvre pour arrêter l’assassin de votre fille et empêcher ce salaud de continuer ses méfaits.

- Mais pourquoi notre famille ? Qu’est-ce que nous lui avons fait ?

- Nous ne savons pas monsieur. Pour l’heure, nous essayons de protéger au mieux les personnes qui pourraient être visées et vous n’êtes pas sans savoir que vous faites partie de ces personnes-là monsieur.

- Oui. Dites-moi ce que je dois faire pour vous aider à arrêter ce pourri !

- Nous pensons actuellement à envoyer un de nos agents dans votre maison. Vous allez donc être surveillé de près, ainsi que les autres victimes potentielles. Vous aurez une personne en permanence avec vous, et quatre hommes, placés à des endroits stratégiques autour de votre domicile.

- Très bien. Je… Emma ! Ma Emma ! Oh mon Dieu !

- Je dois vous poser une dernière question M. Figet…

- Allez-y… De toute façon, je n’ai nulle part où aller, ça ne fera pas revenir ma petite fille !

- Avez-vous reçu beaucoup de visite ces derniers temps ? Le suspect connait très bien la vie de ses victimes, elle devait donc bien connaître votre fille, mais, comme vous êtes aussi en danger, elle doit vous connaître également.

- Avec cette cousinade qui devait avoir lieu, la maison était pleine tous les jours. D’autant plus, je joue au club de bridge de Cahors, et je peux vous dire que nous en avons du monde… Mais… Maintenant… comment… ? Ah ! Emma ! Ma pauvre petite fille.

Et il raccrocha. Ces conversations avec les victimes étaient de plus en plus pénibles pour Alexandre. Peut-être parce qu’avec le temps il devinait avec plus acuité ce qu’il allait entendre et développait sa capacité d’empathie.

 

            Un coup de téléphone provoqua un nouveau tournant dans l’affaire de la cousinade. Le commissaire Chermonier de Charleville-Mézières venait de contacter le central de Cahors et le haut-parleur amplifia sa voix dans l’ensemble du bureau des commissaires envoyés sur place :

- Nous avons une personne manquante dans l’immeuble de Mademoiselle Figet.

Le commissaire Noicas étant celui qui avait décroché, il prit la parole pour l’ensemble des confrères présents :

- Qui donc ?

- La vieille dame que l’officier a bêtement laissé passé hier soir. Ce n’était pas Germaine Grovert. Germaine Grovert était déjà à son domicile hier soir, elle est actuellement alitée à cause d’une gastroentérite.

- Une gastro ? A cette époque ?

- Oui, c’est très étrange, mais c’est ainsi. La dame qui est passée hier a donc menti à l’officier en poste. Reste à savoir si une dame aussi vieille, car je pense qu’elle ne pouvait tromper sur son apparence à ce point, est capable de commettre ces homicides.

- Comment a-t-elle pu sortir ?

- Il semblerait que l’inexpérience de l’officier soit encore en cause. Vers huit heures du matin, quelqu’un a crié au troisième étage de l’immeuble. L’officier a tenté de prendre l’ascenseur, mais celui-ci mettait trop de temps à répondre, il est donc monté par les marches. Lorsqu’il est arrivé au troisième étage, il a découvert une femme d’une trentaine d’année, devant la porte de Mademoiselle Figet, qui criait devant un bout de papier.

- Un bout de papier ?

- Découpé avec des ciseaux crantés, avec un texte écrit en jaune.

Les médias avaient eu de nombreuses informations dont certaines émanaient de sources inconnues, mais très bien renseignées. La population avait donc été avertie qu’un fou tuait des gens en laissant un message parlant de « sept malins » ; la réaction de cette femme était donc normale dans le climat des derniers jours.

Le commissaire Plantou remarqua au passage que les couleurs successives des messages dessinaient un arc en ciel et affirma que ce détail était des plus sordides.

- Quel était le texte ?

 

- « Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le cinquième malin but trop vite et avala une guêpe. Il

 

ne restait plus que deux malins. »

 

- Comment pouvait-il prévoir qu’elle l’avalerait ? Comment fait-il ?

- Fait-elle… Vous oubliez que le suspect ici est une vieille dame d’environ quatre-vingt-cinq ans. Ensuite, l’officier entra dans l’appartement et découvrit mademoiselle Figet, morte dans sa chambre, une tasse renversée sur son lit, avec une chanson qui tournait en boucle sur la chaîne hi-fi.

- Je suppose que l’autopsie révèlera une guêpe morte dans la gorge ou dans l’estomac de notre victime…

- C’est fort probable. La gorge était trop enflée pour que le médecin légiste puisse y voir quelque chose. Pour ce qui est de notre suspecte, elle s’est bien sûr enfuie, probablement par l’ascenseur qu’elle avait bloqué à un étage pour éviter de croiser l’officier en service au moment où le corps serait découvert.

- Elle est très forte. Vous avez un dessinateur… ?

- Qui est déjà en train de travailler avec l’officier pour réaliser un portrait robot. Ils n’en n’ont plus pour très longtemps je crois. Nous vous le faxons dès que possible.

- Merci commissaire. On se recontacte vers quinze heures pour faire un point de la situation.

- C’est noté. A tout à l’heure.

 

            L’annonce d’un nouveau suspect, vu sur un des lieux de crime, relança la motivation des équipes. En Ardèche, l’analyse toxicologique établie que le poison employé était de la cigüe, sous forme de poudre. Elle avait été répandue sur les cordes de la guitare par le jeune Grégoire qui avait utilisé un polish pour cordes qui en était totalement enduit. Le jeune homme avait du jouer de la guitare, et donc passer un peu de produit sur ses cordes. Il faisait du camping et n’avait donc pas accès à un point d’eau pour se laver les mains. Il avait suffit qu’il mette un doigt dans la bouche, se ronge un ongle, lèche son doigt pour nettoyer de la nourriture, qu’il mange avec ses mains pour ingurgiter le poison. Le légiste avait le sentiment qu’il s’était débattu à terre avant de succomber car la cigüe provoque une paralysie ascendante, des membres inférieurs jusqu’au cerveau. Le polish était neuf, et il serait difficile de trouver où il avait été acquis, d’autant plus que Mme Gribec avait dit aux enquêteurs que son fils commandait ses produits uniquement sur Internet, et souvent au moins cher, donc sur des sites différents. La police de Privas entama bien sûr une enquête, mais les résultats seraient sûrement bien longs à venir.

Le portrait robot de la vieille dame fut scanné, envoyé et imprimé dans tous les hôtels de police, commissariat, mairies, gendarmerie de France et même dans les ambassades françaises à l’étranger. Ils voulaient la prendre de court, l’empêcher de faire un pas sans être reconnue par les passants. Etrangement, un des premiers témoins fut un inspecteur. Edgar Brasseau, un des inspecteurs du groupe d’enquête du commissaire Brot l’appela sur son téléphone privé.

- Alex, je crois que j’ai un problème.

- Que se passe-t-il Edgar ?

- Le portrait robot qui circule… Il ressemble énormément à Mamée Josette.

- Mamée Josette ?

- Oui, ma Mamée… euh… ma grand-mère, Josette. Je vous en ai parlé lorsque je vous ai dit pourquoi je voulais venir à cette cousinade. C’est, entre autres, parce que ma Mamée devait y assister. A quatre-vingt-sept ans, on ne sait pas trop ce que réserve la vie…

- J’espère que la ressemblance n’est pas si frappante que ça… En tout cas, vous devez m’envoyer immédiatement une photo de votre grand-mère ainsi que son adresse et son numéro de téléphone. Dans quelle région habite-t-elle ?

- Dans le Lot, vous n’êtes pas très loin de chez elle. Elle habite au sud de Cahors, à Saint-Cevet. Je vous envoie son adresse et son numéro, et je préviens ma maman pour la photo.

- Au plus vite Edgar, au plus vite s’il vous plait.

- Je fais au mieux à tout à l’heure.

 

            Dans toute la France, des personnes, paniquées, appelaient la police, les gendarmes et parfois même les pompiers pour signaler qu’ils avaient vu la « tueuse de cousins », comme les médias la surnommait. Un autre officier de police avait reconnu la dame du portrait. Il affirmait que c’était une certaine Josette Jolivert et qu’elle avait été celle qui avait prévenu la police pour le meurtre de M. Cannel. Alex fut soufflé par cette révélation : une meurtrière qui pousse le vice jusqu’à dénoncer à la police son propre forfait.

Emma Figet était bien décédée à cause d’une guêpe avalée. La théorie des enquêteurs était que la jeune femme avait bu une tisane au lit en écoutant de la musique. Elle n’a donc peut-être pas entendu la tueuse entrer, et faire tomber une guêpe encore vivante dans la tasse. Mais encore faut-il que l’insecte n’ait pas été brulée vive par son plongeon. Un coup de téléphone à M. Figet instruisit Alex : la jeune fille avait un rituel quand elle était particulièrement stressée, où elle demandait un peu de chance au destin. Ce rituel était de plonger sa chambre dans l’obscurité, de s’allonger dans son lit avec une tasse de tisane froide sur sa table de chevet, de choisir une musique entêtante en mode répétition et de boire la tisane à intervalle régulier à chaque fois que la chanson recommençait. La nouvelle fut communiquée aux enquêteurs des Ardennes qui travaillèrent à vérifier cette hypothèse. La tueuse était tout même très douée pour connaître autant de détails sur la vie de ses victimes et pour les exécuter sans fausses notes.

            La photo de Mamée Josette fut reconnue formellement par le policier qui l’avait vue la veille. Les officiers de police qui furent envoyé à son domicile de Saint Cevet furent étonnés de la voir attablée, dans son salon, à regarder l’émission « des Chiffres et des Lettres ». Elle les suivit au commissariat de Cahors, où elle fut mise en garde à vue. Les commissaires souhaitaient l’interroger, pour comprendre. Les échanges avec cette vieille dame étaient très étranges. Elle rigolait et souriait comme si elle faisait une conversation agréable avec quelques amis. Elle refusa de parler de l’affaire qui l’avait faite arrêtée. Elle déclara qu’elle ne parlerait qu’à Maurice Gloiriot, célèbre présentateur de l’émission de télévision « Revivez les grands affaires criminelles » sur la chaîne publique. Elle fut rapidement écrouée par le parquet de Cahors et mise en détention à la maison d’arrêt de la préfecture.

Edgar et toute sa famille furent sous le coup de la surprise, de l’indignation, de la colère, de l’incompréhension, mais surtout de la tristesse. Cette femme qui lui avait fait passer les meilleures vacances de toute sa vie avait tué des gens.

 

            Malheureusement, son arrestation n’arrêta pas les assassinats. Le vendredi 3 juillet, on découvrit le corps sans vie de Corinne Gallois à Pau dans le petit appartement qu’elle occupait seule, mordue par un serpent. L’officier chargé de sa garde rapprochée avait été lui aussi mordu par un serpent venimeux. Dans le placard à chaussures, on trouva un bout de papier découpé en haut et en bas par des ciseaux crantés. D’une écriture orangée, il arborait le

texte suivant :

 

 

« Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le sixième malin rencontra un serpent. Il ne restait

 

plus qu’un malin. »

 

Les enquêteurs ne comprenaient pas comment Josette s’y était pris pour tuer cette femme sans venir mettre le serpent elle-même dans l’appartement. Ils remirent en doute sa santé mentale, mais elle les détrompa à de nombreuses fois : elle revendiquait ce crime, et donnait même des détails sur l’agencement de l’appartement qui prouvaient qu’elle y avait été il y a peu. Mais elle refusait toujours d’expliquer comment elle s’y était prise, et pourquoi elle l’avait tué.

            Cela se répéta le lendemain, lorsqu’on retrouva M. Marcel Figet mort dans son appartement, après avoir ingéré une importante quantité d’arachides, beaucoup trop importante pour quelqu’un qui y est allergique. Apparemment, la bouteille de calvados dans laquelle il puisait un petit verre chaque soir était pleine d'extrait d'huile d'arachide. On retrouva au fond de la bouteille un petit papier plié. Il n'était découpé qu'en haut, c'était donc la bas de la feuille, la fin de l'histoire, la dernière couleur de l'arc en ciel. En rouge, les enquêteurs de Cahors découvrirent les dernières phrases de la comptine des sept malins :

 

« Les sept malins avaient décidé de se retrouver à la fin de la semaine.

 

Malheureusement, le dernier malin força un peu trop sur la bouteille. Il

 

ne restait plus de malins.»

 

De même que pour madame Gallois, Josette Frigolet resta muette sur les raisons de ce geste et sur la façon dont elle s'était prise pour provoquer à distance ces assassinats avec autant de précisions.

 

Etrangement la population française se prit d’une curiosité pour ce que cette vieille dame avait à dire, sur les raisons de ces meurtres et sur la façon dont elle avait opéré ; les grands mystères fascinent et interpellent. Le mouvement était si fort, et la police voulant tellement connaître le fin mot de l’histoire, qu’un arrangement fut trouvé. La partie civile acceptait d’être représentée par Maurice Gloiriot, qui avait une formation d’avocat, et le présentateur pourrait alors l’interroger sur son mobile. Mamée Josette, comme commençaient à l’appeler certains, refusa, et exigea une interview dans le décor de son émission. La justice ne souhaitait pas céder, mais les français se soulevèrent et firent de nombreuses pétitions pour connaître les raisons de ces meurtres. Au final, il fut décidé qu’un document télévisuel serait réalisé, dans le décor de l’émission, mais qu’il ne serait pas diffusé à la télévision. Les éléments importants de cet entretien seraient publiés dans les grands quotidiens nationaux le lendemain du visionnage du document par un comité privé. Mamée Josette accepta que ce document soit considéré comme un aveu lors de son procès.

 

Vendredi 17 juillet 2009, Paris, studio 307 de la télévision publique française.

 

 

L'entretien commença à dix heures du matin. Maurice Gloiriot savait qu'il réalisait une interview historique, mais restait partagé entre l'excitation professionnelle de cet entretien et l'impression désagréable de répondre au caprice d'une vieille dame folle.

Maurice débuta en abordant le premier meurtre, celui de Thierry Gassepaz. Il résuma la situation, et questionna surtout Mamée Josette sur ce qui restait mystérieux, le moyen qu'elle avait utilisée pour empoisonner cet homme :

«- Ils ont cherché partout je suppose : le pain, le lait, le café, le sucre, les tasses, et peut-être même dans la farine !!! Ah ah ah ! Ont-ils seulement regardé dans le grille pain ? De l'aconine sur les grilles de cet engin et en trois minutes, voilà un joli toast empoisonné !

- Comment pouviez-vous être sûre que M. Gassepaz allait se faire griller du pain ?

- Vous n'avez pas connu Thierry ! S'il y avait bien un homme qui n'aimait pas le changement, c'était bien lui ! Et son petit déjeuner est comme une institution ! Il ne fallait surtout pas y toucher, surtout pas changer une chose dans ce rituel bien huilé.

- Vous avez joué sur les petites habitudes de ces gens en somme ?

- Vous pensez à Emma, c'est ça ? Ah ! La petite Emma, je l'aimais bien, c'est dommage qu'elle se soit crue si maligne...

- Comment ça si maligne ?

- Vous voulez déjà casser le suspens M.Gloiriot ? Attendez. Nous avons le temps... Vous savez bien que l'émission dure toujours une heure et quart. Gardez le grand mystère pour le dernier quart d'heure. » Elle ajouta un petit clin d'œil à la caméra. Maurice sentait son impression d'être utilisé comme une marionnette grandir peu à peu.

- Justement, pour Emma Figet, vous connaissiez aussi ses petites manies.

- Bien sûr. Je venais régulièrement visiter la petite. Vous savez, quand on est vieux, les gens vous parlent assez facilement. De toute façon, ils pensent qu'on aura soit oublié dans le quart d'heure qui suit, soit qu'on ne sera bientôt plus là. Alors pourquoi s'en faire ? Emma avait un petit rituel étrange lorsqu'elle était un peu angoissée. Les morts, le danger, c'était essentiel pour pouvoir la mettre en conditions pour avoir une bonne dose de stress. Je devais donc attendre avant de lui régler son compte. Et puis, je devais travailler mon entrée en scène...

- Votre entrée en scène ?

- Cette bonne vieille Germaine Grovert... Vous ne pensez pas qu'elle a pu attraper cette gastro dans la rue tout de même ? Il a fallu déposer un petit échantillon de sécrétions infectée, et hop ! Me voilà une excuse toute trouvée pour entrer dans l'immeuble. Alors, je dois dire aussi que la police m'a facilité les choses ! Ce jeune officier de police ! Quel nigaud ! Quand on a le physique, on peut tous vous berner. Un peu de gémissement, le dos voûté, les rhumatismes,... C'est tellement simple !

- Et pour repartir de l'immeuble, vous aviez bloqué l'ascenseur ?

- Bien sûr ! Le plus dur étant de savoir précisément à quelle heure quelqu'un crierait... J'avais maintenu l'ascenseur au cinquième ou au quatrième suivant les personnes qui traînaient à l’étage.

- Toute la nuit ?

- Je suis insomniaque ! C'est bien pratique d'ailleurs. Si vous saviez ce que les gens disent tout haut quand ils pensent que vous dormez ! Et puis cet officier nigaud qui tombe dans le panneau ! Un vrai régal !

Un peu plus tard, ils abordèrent le second meurtre :

- Pour Aline Gamber, vous vous êtes aussi servie de ses manies...

- De ses tocs vous voulez dire ! Une vraie folle celle-là ! Avec ses boites bien ordonnées, tout bien rangé ! Il y a deux ans que j'ai trouvé comment lui régler son compte. J'ai pris le temps de faire des tests. Je lui ai d'abord mis un laxatif, et ensuite, je lui ai donné un échantillon de mononucléose ! Je me suis tant amusée... J'en aurais bien profité encore un peu si ça avait été possible.

- Comment avez-vous pu assassiner ces membres de votre famille sans l'once d'un remord ?

- Vous essayez encore d'aller trop vite M. Gloiriot ! Laissez couler. Vous ne voulez pas savoir comment j'ai pu assassiner ce jeune scout dans la nature, loin de tout...

- Grâce à ce polish enduit de cigüe. Mais vous y étiez ?

- Pas du tout. Je lui ai juste envoyé un petit colis, avec un petit mot. Vous avez, du genre : mon grand garçon ! Comme tu as changé, tu es presque devenu un homme maintenant. Pour toi, voici deux petits cadeaux qui te serviront quand tu camperas au cours de ton camp scout de cet été. Fais-moi plaisir, attends d'être dans ta tente pour les ouvrir. Je t'embrasse fort mon beau jeune homme. Mamée Josette. » Comment voulez-vous qu'il résiste à un mot si charmant de sa mamée ? Ah ah ah ! Je pense qu'il a apprécié la lampe de poche et le polish qu'il m'avait demandée quand je l'avais questionné sur le cadeau qu'il souhaitait pour son anniversaire. Dommage qu'il n'en ai pas plus profité...

Le rire était sadique et M. Gloiriot n'en revenait pas de voir dans le corps de cette petite mamie un esprit aussi vicié.

Par la suite, ils arrivèrent au troisième meurtre, celui du vieil homme de soixante-treize ans :

- Pour M. Cannel, vous avez tout de même poussé le vice jusqu’à être celle qui a signalé à la police que quelque chose clochait…

- Je me suis tant amusée à feindre l’évanouissement !

- Concernant cet assassinat, tout le monde se demande comment vous avez fait, malgré votre gabarit, pour l'égorger.

- Jules ?! Ce sale pervers n'avait eu qu'une seule envie au cours de toute sa vie : me sauter.

- Vous l'avez donc tué pour cette raison ?

- Oh que non. Si ça avait été ce motif qui avait guidé mes gestes, j'aurais eu bien plus de sept personnes à assassiner... Non, je l'ai tué pour la même raison que les autres. Seulement, comme pour cette fois, je ne l'ai pas repoussé, il a eu le malheur de vouloir m'entraîner au plus vite dans son appartement, et il m'a tourné le dos. Ah, les hommes ! Si vous arriviez à penser avec autre chose qu'avec votre queue !

- Madame, je vous en prie !

- Vous préférez un mot plus grossier peut-être ?

 

Ils finirent en abordant les deux derniers meurtres : ceux de madame Gallois et de monsieur Figet. Maurice Gloiriot s'étonna que ces meurtres aient eus lieu, dans le bon ordre, alors que Mamée Josette était en gare à vue.

- Vous n'avez rien écouté ! J'ai observé ces personnes pendant cinq ans, je connaissais tout de leurs vies. On a l'habitude de dire que les vieux ont des manies agaçantes, mais si vous voyiez les vôtres ! Il m'a suffit de régler les horloges, elles ont sonné toutes seules. Corinne Gallois changeait de chaussures tous les jours. Elle avait un beau meuble à chaussures qu'elle ouvrait au moins une fois par jour, systématiquement. Vous savez qu'il faut cinq milligrammes de somnifère pour endormir une vipère pendant six jours. Il m'a suffit de l'endormir, de la laisser dans une chaussure d'hiver lors de ma visite de dimanche dernier à cette prétentieuse, et de laisser les choses se passer. D'après mes expériences, une vipère enfermée dans une chaussure et endormie pendant six jours aura forcément le réflexe d'attaquer la première chose qu'elle voit bouger. La première chose qu'elle vit bouger fut Corinne, la seconde le malheureux officier de police. Dommage pour lui, il n'était pas au programme...

- Pour M. Figet, vous vous êtes encore servie d'un petit rituel, mais comment savoir qu'il ne commencerait la nouvelle bouteille que samedi 4 juillet ??

- M. Figet a vu son frère emporté par une cirrhose du foie, à cause de ses accès d'alcool. Il s'était donc dicté comme ligne de conduite de ne jamais dépasser cinq centilitres de calvados chaque soir. C'était sa réserve personnelle, il n'en offrait jamais. Il m'a suffit de calculer et de laisser la quantité nécessaire. En cinq ans, je vous le répète, on apprend énormément de choses sur les gens. Même après avoir perdu sa mère, il n'avait pas changé ses habitudes, il avait trop peur de ressembler à son frère. Je savais que la perte de sa fille ne changerait pas mes plans.

- Deux autres questions avant d'arriver aux raisons de vos actes...

- Vous avez raison, l'heure tourne...

- Pourquoi avoir épargné deux des personnes qui avaient aidé à la préparation de cadeaux ? Et pourquoi avoir dessiné un arc-en-ciel avec les couleurs de vos messages ?

- Vous n'êtes pas très futé ! Une personne de chaque génération. Grégoire, 16 ans, Aline, 23 ans, Emma, 32 ans, Thierry, 46 ans, Corinne, 54 ans, Marcel, 68 ans et Jules, 73 ans. Il faut vraiment tout vous dire à vous ! Pour les couleurs, je m'expliquerai après...

- Justement, nous avons reparlé des différents assassinats que vous avez commis en une semaine. Nous avons vu comment vous vous y étiez pris. Maintenant, je pense qu'il est temps d'éclairer notre lanterne sur la raison de ces actes.

- Oh ! C'est bien trop simple : cette bande de petits prétentieux m’avait offert un cadeau lors de la cousinade de 2004 ! Un dernier cadeau, comme si j’allais mourir dans les cinq ans à venir. Ils ne se sont pas regardés. Tous tombés comme des mouches. Un par un. C’était si facile ! Moi, je suis une vieille dame, je suis si gentille, et puis usée, malade, pleine de courbatures aussi. Alors, il faut me ménager, il faut faire ce que je demande, il faut manger mes gâteaux immangeables, il faut boire ma citronnade imbuvable, il faut me pardonner mes excès de colère et mes prises de position extrémistes ; il faut aussi répéter plus fort parce que je suis forcément sourde. Mais qu’est-ce qu’ils pensaient ces bouffons ?! Je vais très bien. J’ai une plus grande pêche qu’eux, ça c’est sûr ! Ah, ça non ! Elle n’est pas morte la Josette Frigolet. Ah ah ah ! Pour les couleurs des messages, c'est un petit clin d'œil pour cette bande d'imbécile : ils avaient choisi un papier cadeau aux couleurs de l'arc-en-ciel ridicule au possible. Je suis peut-être vieille, mais je ne suis tout de même pas gâteuse...

- Vous avez fait ça pour un cadeau ? Pour une marque de gentillesse et de respect ?

- Du respect mes fesses oui ! J'ai de l'orgueil et je ne suis pas encore prête à me laisser enterrer vivan...

 

            Mamée Josette se raidit sur sa chaise avant de tomber sur la table. Elle ne respirait plus, ne bougeait plus. Les cameramen firent un gros plan, M. Gloiriot ne bougea pas un cil. Les policiers qui étaient là pour prévenir toute tentative de fuite accoururent, accompagnés par une équipe médicale. Le massage cardiaque fut inutile. Rupture d'anévrisme, mort subite, instantanée.

 

 

 

            Finalement, les « sept malins » avaient eu raison d'offrir un cadeau à Mamée Josette de peur qu'elle ne meure avant la prochaine cousinade ; elle n'a pas survécu. La cousinade eu lieu l'année suivante à Cahors pour commémorer l'esprit familial du clan Figet-Bustel.

A la semaine prochaine, pour une nouvelle émission de « Revivez les grands affaires criminelles ». Bonsoir.

 

 

FIN

 

 

 

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